Des portraits Polaroid célèbrent la communauté queer de Provincetown

Il y a des années, Michael Joseph a passé une semaine à louer une maison avec des amis à Provincetown, une ville balnéaire à la pointe de Cape Cod. Les premières matinées étaient fraîches et brumeuses ; le soir, la lumière du soleil couchant transformait la rue en or. Il a passé des nuits à danser jusqu’à la fermeture des clubs et à se frayer un chemin à travers la foule à Spiritus Pizza, un repaire local datant des années 1970.

« C’était un moment de liaison et un moment qui a contribué à la formation de l’identité », dit l’artiste en repensant à ces jours et ces nuits. Il se souvient de la lumière du soleil, de l’air salé, et peut-être, surtout, il se souvient des gens. Au cours des étés qui ont suivi, il est retourné à Provincetown, un endroit où plus d’un siècle d’histoire LBGTQ+ continue d’inspirer les nouvelles générations.

En marchant dans l’emblématique rue commerciale, il photographie des gens – voyageurs, artistes, propriétaires d’entreprise, dragsters, couples et jeunes parmi eux – à l’aide d’un appareil photo Polaroid Big Shot vintage. (Par coïncidence, l’appareil photo est sorti la même année que Spiritus Pizza a ouvert ses portes, en 1971.) Ces portraits Polaroid font partie du projet en cours Far West de l’Est (@wildwestoftheeast sur Instagram).

« Provincetown est une petite ville avec une grande histoire », me dit Joseph. « C’est le plus loin qu’on puisse faire en voiture jusqu’au bout du Cap. Cela ressemble souvent à la fin de la terre, entouré d’eau sur trois côtés avec de la lumière venant dans toutes les directions.

Dans les années 1980, c’est à Provincetown que Tim O’Connor et John Michael Gray, également connus sous le nom de Hat Sisters, ont conquis les fans avec leurs créations fantaisistes, leur activisme et leurs efforts de collecte de fonds. En 2004, lorsque le Massachusetts est devenu le premier État à reconnaître légalement le mariage homosexuel, les gens s’y sont rendus pour leurs mariages. Désormais, des événements comme le carnaval, la semaine de l’ours et la semaine de la famille continuent d’accueillir les personnes LGBTQ+ et leurs alliés de tous âges.

Nous avons demandé à Joseph de nous parler de cette ville balnéaire et des gens qu’il a rencontrés en cours de route.

Quels sont certains de vos premiers souvenirs de la communauté Queer de Ptown ?
« J’ai appris la culture queer de ceux que j’ai rencontrés et de ce que j’ai appris de mon entourage. La plupart ne réalisent pas que lorsque quelqu’un « fait son coming-out », il y a une autre période entière pour trouver sa place dans la communauté queer. La communauté queer est extrêmement diversifiée en soi. Chaque être humain cherche sa place au sein de la société, mais les membres de la communauté LGBTQ+ subissent ensuite une autre recherche, au sein de ce segment plus restreint et diversifié de la société.

« Mon temps passé là-bas est toujours spécial. Le temps là-bas donne l’impression que le monde ralentit et que l’on peut facilement «être présent». Pour ceux qui se sentent «autres» à cause de l’hétéronormalité ou qui se sentent complètement introvertis, Provincetown offre un lieu d’inclusion, de liberté et de peu de jugement.

«J’ai vu des gens voyager de partout au pays et dans le monde pour ressentir cette liberté et pouvoir marcher dans la rue, tenir la main de leur partenaire et ne pas penser, pendant une minute, si quelqu’un regarde ou s’en soucie. J’ai vu des visiteurs nerveux et timides descendre du ferry au début de la semaine et faire un 180 complet à la fin de la semaine.

« Les amis disaient souvent en plaisantant que le retour sur le ferry ou le retour à la maison ressemblait à une ‘rentrée’. C’était une « rentrée » dans le monde tel qu’il est plutôt que tel qu’il pourrait ou devrait être. Il était temps de se rappeler que ce n’est pas partout ou que tout le monde accepte pleinement et que le non-jugement et l’autorégulation, qu’ils soient réalisés ou non, reviennent en jeu. »

Comment est l’ambiance sur Commercial Street ?

« Commercial Street est un endroit très animé, surtout l’après-midi, et c’est mon endroit préféré pour tourner. Les drag queens aboient pour venir voir leurs spectacles, les fêtards sont en route vers leur prochain arrêt vêtus de quelque chose d’inhabituel, les garçons passent à toute allure à vélo en sonnant leurs cloches et les gens retournent à la plage bronzés et fatigués.

«Des artistes, acteurs et écrivains bien connus, tels que John Waters et John Cameron Mitchell, peuvent être vus passer ou travailler sur quelque chose de nouveau. En haute saison, les rues peuvent être bondées. Certaines semaines thématiques amènent des visiteurs différents.

« Chaque année, une célébration du Carnaval a un thème différent, et ceux qui participent sortent tous dans des costumes spéciaux faits à la main. C’est une journée pour célébrer la vie, la liberté et l’amour. Mates Leather Weekend amène les Leathermen dans les rues, donnant souvent vie aux dessins de Tom of Finland avec leur équipement complet et leurs tenues. La nuit fait ressortir ceux qui sont bien habillés, se dirigent vers un dîner ou un spectacle, et ceux qui sont à peine habillés, se dirigent vers un club ou une fête.

Photographiez-vous plusieurs des mêmes personnes année après année, ou est-ce que tout le monde est nouveau ?

« Pour ce projet, je ne photographierai généralement pas la même personne deux fois, à moins que je ne voie l’opportunité d’améliorer un portrait précédent. Je ne cherche pas à documenter l’évolution d’un sujet. J’ai peu de films avec lesquels travailler et je veux capturer autant d’aspects de la ville que possible. On apprend vite, en étant à Provincetown, que la communauté queer a tellement de facettes. Il y a beaucoup de sous-cultures au sein de la culture. « 

Pouvez-vous nous expliquer votre processus d’approche de quelqu’un pour un portrait Polaroid ?

«Il y a des moments très précis pour capturer les gens dans leur élément alors qu’ils marchent dans Commercial Street. Pendant 4^e des défilés de juillet, du carnaval ou d’une promenade au «Tea Dance», un célèbre happy hour sur une rampe de bateau, les gens sont habillés comme ils choisissent de se représenter librement. Je fais sortir les employés du magasin pendant les pauses et j’approche parfois les gens et je fixe un moment pour se rencontrer et tirer s’ils sont occupés.

« Pendant la Pandémie, j’ai dû mettre en place des séances, auxquelles je ne suis pas habitué. Je rencontrais mon sujet dans la rue et tirais à l’extérieur, si possible, d’une manière pré-planifiée, juste pour la sécurité. En général, je m’approche d’un étranger, lui serre la main et me présente. Je leur montre mon appareil photo funky et leur explique sur quoi je travaille. J’ai toujours un portefeuille d’images prêt sur mon téléphone à feuilleter pour montrer des exemples du travail. « 

Qu’est-ce qui vous attire chez les gens ? Qu’est-ce qui vous fait dire : « Je veux photographier cette personne » ?

«Je suis attiré par les gens en fonction de leur apparence et de leur confiance. J’espère capturer des gens qui sont dans le moment d’être eux-mêmes de manière unique. Provincetown donne aux gens la possibilité d’exprimer pleinement leur identité intérieure d’une manière très extérieure. J’espère capturer ce sentiment d’authenticité.

« La saison dernière, j’ai capturé un enfant qui se faisait maquiller dans la rue. J’ai remarqué qu’il voulait être peint comme Wonder Woman. Ses parents n’ont pas dit non et ils l’ont laissé peindre comme il le souhaitait. Ils lui ont mis du rouge à lèvres et il était content.

« Ces moments de ‘jeu’ inédits en tant qu’enfants sont presque les mêmes que ce que les adultes recherchent et trouvent à Provincetown. Il n’y a pas de règles sociétales disant ce que vous pouvez et ne pouvez pas exprimer. Je suis sûr que les parents se sentaient très en sécurité en permettant à leur enfant d’être maquillé comme qui il voulait être et de se promener librement en public en tant que tel.

Y a-t-il eu de nombreux moments, interactions ou conversations que vous n’oublierez jamais ?

« Oui absolument. Voir l’enfant maquillé en tant que Wonder Woman était l’un d’entre eux. Sur cette même note, parfois les gens appellent Provincetown « pays imaginaire », et je peux souvent voir des adultes adultes se comporter comme des enfants et « jouer »… quelque chose que nous, en tant qu’adultes, mettons de côté ou dont nous avons honte, mais est une partie si importante de l’humanité qui manque et vers laquelle nous devrions peut-être revenir.

« J’ai également arrêté un jeune homme, Drew, qui portait son look de carnaval. Il vient à Provincetown pour se sentir plus lui-même et découvrir les libertés qu’elle a à offrir. J’ai appris plus tard qu’il faisait ses débuts à Broadway dans L’homme de la musique.

« J’ai arrêté une femme plus âgée parce qu’elle avait un beau visage. Elle travaillait chez Spiritus Pizza, et je l’ai prise en pause, avec juste le temps de faire quelques polaroïds. J’ai appris plus tard qu’elle s’appelait Sharon, la petite amie du célèbre Cookie Mueller, qui faisait partie intégrante du passé bohème et queer de Provincetown. Sharon et Cookie étaient amis et figuraient dans une grande partie du travail de la photographe Nan Goldin.

Pourquoi avez-vous choisi le Polaroid Big Shot pour ce projet particulier ? Pourquoi des portraits Polaroid ?

« Je travaillais dans le numérique depuis si longtemps que je me suis habitué à la possibilité de faire de très nombreux portraits à la fois. J’ai trouvé que l’édition sur ordinateur me laissait souvent choisir entre plusieurs images comme « la seule », et je voulais faire un changement majeur. Je voulais photographier en couleur, instantanément, et je n’avais aucune possibilité d’apporter des modifications majeures à l’œuvre. Je voulais l’excitation de travailler avec quelque chose de tangible, précieux et fortuit qui produisait un objet.

« Je travaille souvent de près, faisant des portraits intimes dans la rue. Le Big Shot a une distance focale fixe et est un gros appareil photo en plastique d’aspect étrange. Quel meilleur endroit pour se promener avec une caméra qui attire l’attention que les rues de Provincetown ?

« Le produit de cet appareil photo ressemble presque à une image que vous utiliseriez pour une carte d’identité, et même certains packs de films produits pour lui sont destinés aux pièces d’identité. Je voulais jouer avec ça. Comment transformer une photo d’identité en un beau portrait ? J’ai passé un été à travailler avec tous les types d’appareils photo Polaroid tels que le SX-70 ou les anciens modèles de style accordéon 250, mais je suis tombé amoureux du Big Shot.

« Andy Warhol a utilisé le Big Shot à la fois pour le portrait photographique mais aussi comme base pour ses peintures et gravures en sérigraphie. Le Big Shot produit un look spécifique avec un flash dur qui est parfait pour photographier des drag queens et des personnages de type club-kid. L’un de mes moments préférés dans l’histoire de l’art est l’East Village dans les années 1980, lorsque Warhol utilisait cet appareil photo pour capturer des portraits de célébrités.

« Mon projet porte le nom de Norman Mailer pour Provincetown, le « Far West of the East » et ses réflexions sur ce que la ville représentait. Norman Mailer a voyagé entre NYC et Provincetown, comme beaucoup l’ont fait, et a servi de lien culturel entre les deux. Je voulais garder ce lien entre les époques des années 1980 East Village et Provincetown.

Voyez-vous des liens entre vos portraits Ptown et vos autres projets en cours, OBJET TROUVÉ? Si c’est vrai, que sont-ils?

Mon travail est centré sur le portrait intime, mettant en lumière la sous-culture et l’identité. Bien que ce projet puisse sembler différent de « Lost and Found » sur la valeur nominale, il est très similaire. Des thèmes tels que la formation de l’identité, la liberté en dehors des limites de la société et la famille retrouvée imprègnent les deux projets.

Êtes-vous retourné à Provincetown cette année ? Combien de temps vous voyez-vous continuer à faire ces portraits Polaroid ?

« Je suis déjà retourné à Provincetown en mai et j’ai commencé à tourner. Je vais tirer jusqu’à ce que le temps reste suffisamment chaud pour que les produits chimiques se développent correctement, c’est-à-dire jusqu’au début octobre. Actuellement, je suis dans la sixième année de ce projet et je continuerai à travailler jusqu’à ce que je sois à court de film périmé.

Toutes les images © Michael Joseph

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